Juste une mise au point.

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Sujet déjà abordé par MédiaChartres, les « locataires des Mairies » sont pour la plupart devenus des chefs ou directeurs (trices) d’entreprises « satellites » indispensables de ces dernières, à l’enrichissement des communes (mais pas que …), palliatif et compensation du gouvernement, pour la suppression d’un revenu important « la taxe d’habitation ».

Et beaucoup ne se prive pas, même de franchir la ligne jaune (et nous voyons rouge) !

Que précise la loi, rappel de MédiaChartres:

Le cas des élus locaux chefs d’entreprise

« la participation d’un conseiller d’une collectivité territoriale à un organe délibérant de celle-ci, lorsque la délibération porte sur une affaire dans laquelle il a un intérêt, vaut surveillance ou administration de l’opération au sens de l‘article 432-12 du Code (pénal) » (Cass., Crim., 19 mai 1999, Bull. n° 101).

■ ■ ■ L’absence d’interdiction formelle pour un chef d’entreprise de devenir maire, maire-adjoint ou conseiller municipal. Aucune disposition du code général des collectivités territoriales ou du code électoral ne prévoit d’incompatibilité entre la fonction de chef d’entreprise et celle d’élu communal. De même, aucune mesure d’inéligibilité ne frappe un chef d’entreprise en raison de sa seule qualité.
Ceci ne suffit pas à faire des chefs d’entreprises des élus locaux “ comme les autres ”. En effet, ils s’exposent à certains risques, et doivent adapter leur action au sein du conseil municipal en conséquence.

■ ■ ■ Les risques auxquels s’exposent les chefs d’entreprises, élus locaux. Les chefs d’entreprise, élus locaux, risquent plus que les autres élus locaux de tomber sous le coup du délit de prise illégale d’intérêt, voir de favoritisme.
La prise illégale d’intérêts

Aux termes de cet article, les chefs d’entreprise, élus locaux, doivent veiller à ne pas avoir, au cours de leur mandat, à diriger ou contrôler une opération (d’urbanisme, ou un contrat commercial, ou une délégation de service public, notamment) qui intéresserait leur propre entreprise (…)

Dans tous les cas dérogatoires, le code pénal précise cependant que l’élu concerné doit s’abstenir de participer à la délibération du conseil municipal relative à la conclusion du contrat. Lorsque c’est le Maire qui bénéficie de l’une des dérogations, le conseil doit désigner l’un de ses membres pour représenter la commune dans l’acte à conclure. La délibération doit se tenir publiquement, le huis clos ayant été expressément écarté.

Rappelons que toute personne qui se trouve lésée par un acte d’un élu (loi ORI) peut se constituer partie civile devant le juge d’instruction et mettre ainsi en mouvement l’action publique, dès lors qu’un préjudice personnel et direct est causé par l’infraction. De plus, la jurisprudence a dégagé une interprétation très stricte de l’application des articles du code pénal, y compris des aménagements prévus pour les petites communes

■ ■ ■ Exemple. Le fait, pour un adjoint au maire, de participer à une délibération du conseil municipal de la ville l’autorisant à percevoir, sur le fondement de l’article 42, alinéa 2, de la loi du 6 février 1992, une rémunération de la part d’une société d’économie mixte dont il était directeur général, suffisait à constituer le délit de prise illégale d’intérêts. La Cour a relevé qu’il importait peu que la délibération n’eut pas été déclarée nulle, faute d’avoir été déférée devant la juridiction administrative (Cass. Crim., 8 juin 1999, n° 2592).

■ ■ ■ SEMQuestion écrite AN n° 2910 sur la prise illégale d’intérêts et son champ d’application – 9 février 2009 (Un élu d’une commune au sein du conseil d’administration d’une SEM locale encourt-il un risque de qualification de prise illégale d’intérêt même en l’absence d’intérêt personnel au profit du conseil municipal en cause ?)

■ ■ ■ A rapprocher du pantouflage. L’article 432-13 du Code pénal qui incrimine la prise d’intérêts par un ancien fonctionnaire ou une personne assimilée, plus connue sous le nom de « pantouflage« , prévoit que le simple fait d’avoir exprimé un avis sur une opération effectuée par une entreprise privée, interdit à ce fonctionnaire de prendre un intérêt dans cette entreprise dans les 5 ans suivant la cessation de ses fonctions. Si le délit peut être imputé à un ancien fonctionnaire en considération du fait qu’il a, du temps où il exerçait ses fonctions, exprimé un avis sur une opération, la logique impose que l’infraction prévue par l’article 432-12 puisse être retenue à l’encontre de la personne qui participe à une décision collégiale durant le temps où elle exerce ses fonctions publiques.

LA SUITE:

La prise illégale d’intérêt, qui a succédé à l’ancien “ délit d’ingérence ” depuis le 1er mars 1994, est définie à l’article 432-12 du code pénal. Ce délit sanctionne le fait pour un agent disposant d’une quelconque autorité de tirer un intérêt d’une entreprise dont il a la charge. En d’autres termes, il s’agit bien d’user de ses fonctions administratives pour tirer un avantage pour autrui ou pour soi.

Ce délit a pour but d’éviter qu’une personne chargée d’une fonction publique ne s’en serve dans son intérêt personnel ou puisse seulement être soupçonné de ne pas en user conformément à l’intérêt général. Comme l’indiquait le conseiller d’État rapportant devant le corps législatif, le 6 février 1810, les dispositions relatives au délit d’ingérence, « la considération qui environne les fonctionnaires naît principalement de la confiance qu’ils inspirent et tout ce qui peut altérer cette confiance ou dégrader leur caractère doit leur être interdit ».

Article 432-12 

Le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou par une personne investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75000 euros d’amende.
Toutefois, dans les communes comptant 3 500 habitants au plus, les Maires, adjoints ou conseillers municipaux délégués ou agissant en remplacement du Maire peuvent chacun traiter avec la commune dont ils sont élus pour le transfert de biens mobiliers ou immobiliers ou la fourniture de services dans la limite d’un montant annuel fixé à 16000 euros.
En outre, dans ces communes, les Maires, adjoints ou conseillers municipaux délégués ou agissant en remplacement du Maire peuvent acquérir une parcelle d’un lotissement communal pour y édifier leur habitation personnelle ou conclure des baux d’habitation avec la commune pour leur propre logement. Ces actes doivent être autorisés, après estimation des biens concernés par le service des domaines, par une délibération motivée du conseil municipal.
Dans les mêmes communes, les mêmes élus peuvent acquérir un bien appartenant à la commune pour la création ou le développement de leur activité professionnelle. Le prix ne peut être inférieur à l’évaluation du service des domaines. L’acte doit être autorisé, quelle que soit la valeur des biens concernés, par une délibération motivée du conseil municipal.
Pour l’application des trois alinéas qui précèdent, la commune est représentée dans les conditions prévues par l’article L. 122-12 du code des communes et le Maire, l’adjoint ou le conseiller municipal intéressé doit s’abstenir de participer à la délibération du conseil municipal relative à la conclusion ou à l’approbation du contrat. En outre, par dérogation au deuxième alinéa de l’article L. 121-15 du code des communes, le conseil municipal ne peut décider de se réunir à huis clos.

Article 432-13

Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 200 000 euros d’amende le fait, par une personne ayant été chargée, en tant que fonctionnaire public ou agent ou préposé d’une administration publique, à raison même de sa fonction, soit d’assurer la surveillance ou le contrôle d’une entreprise privée, soit de conclure des contrats de toute nature avec une entreprise privée, soit d’exprimer son avis sur les opérations effectuées par une entreprise privée, de prendre ou de recevoir une participation par travail, conseil ou capitaux dans l’une de ces entreprises avant l’expiration d’un délai de cinq ans suivant la cessation de cette fonction.

Un article MédiaChartres, plus long qu’a l’habitude, mais il est difficile de faire des « raccourcis » sur ce genre de sujet, et vous avez tous, le droit de savoir.

Claude Harffi